Concevoir un site internet s’écartant des standards du web est un risque qui explique certainement à lui seul la très grande proximité visuelle des sites de vente en ligne. Il n’en reste pas moins qu’un nombre non négligeable de raffinements visuels et ergonomiques, d’agencement des rubriques, peut être opéré et répondre à une analyse fine du comportement des internautes. Dès lors, même en l’absence de « droit privatif » (ie marques, dessins et modèles etc.) les sites internet peuvent être protégés au titre de la loyauté de la concurrence et, en particulier de la sanction du parasitisme.
Rappelons que le parasitisme est habituellement défini ainsi :
« le parasitisme consiste pour un agent économique à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de la notoriété acquise ou des investissements consentis ; que le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion. »
En l’espèce, dans un arrêt en date du 15 avril 2016, la Cour d’appel de Paris a condamné un site de vente de matériel de bricolage en ligne à indemniser son concurrent direct pour avoir largement copié son site internet. La société « copiée » avait procédé à la mise en ligne d’une nouvelle version de son site, développée après d’importants investissements, dont elle avait constaté une reprise par un concurrent direct moins d’un an plus tard.
Le parasitisme a été d’autant plus aisément caractérisé dans cette affaire que les deux sites concernés se trouvaient être les deux seuls à se démarquer de leurs concurrents. La Cour a donc d’une part accepté de prendre en considération « la présentation générale du site résultant de la coexistence et de l’agencement de ses différentes composantes » et non la seule existence de rubriques somme toute classiques, et a observé que le fait que ces deux sites se distinguent ainsi excluait toute fortuité.
La Cour a donc jugé, reprenant les éléments classiques du parasitisme, que :
« en adoptant comme elle l’a fait une présentation de son site que rien n’imposait, la société QA, faussant le jeu d’une saine concurrence, a employé une stratégie commerciale tendant à rechercher une proximité avec le commerce en ligne de son concurrent agissant dans le même domaine de l’outillage, en s’épargnant, ce faisant, toute perte de temps et coûteuses recherches potentiellement répercutables sur ses prix de vente ou rognant ses bénéfices, et l’a privée, de plus, de l’entier profit qu’elle pouvait légitimement attendre, à terme, de ses investissements, peu important, au stade de l’appréciation de la faute, que le nombre de visiteurs ou le chiffre d’affaires de la société Debonix n’aient pas été sensiblement affectés »
Cet arrêt est encore l’occasion de rappeler deux points non dénués d’intérêt en matière de parasitisme et de concurrence déloyale.
Ainsi, d’une part, n’est-il pas nécessaire que le parasitisme constaté crée une confusion et, d’autre part, est-il considéré que la concurrence déloyale crée nécessairement un préjudice au détriment de celui qui en est victime. Les règles classiques de la responsabilité civile délictuelle supposent en effet que l’on caractérise à la fois une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux, sans quoi l’action est irrecevable. En matière de concurrence déloyale, le préjudice est présumé. La Cour relève les failles dans l’invocation du préjudice mais souligne néanmoins que « la faute retenue n’a pu avoir que des conséquences économiques négatives pour la société D. privée d’un avantage concurrentiel et de la rentabilisation optimale de ses investissements« .
Au titre des mesures réparatrices, on aurait pu imaginer que la Cour enjoigne à la société parasitaire de modifier son site. L’arrêt est muet à cet égard. Il semble toutefois que la société parasitée ait elle-même entretemps (la décision d’appel étant postérieure de… quatre ans aux faits jugés) modifié son propre site, ce qui aurait rendu une telle injonction sans objet.
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