Le Conseil de la concurrence consacre chaque année une étude thématique à un sujet spécifique qu’il entend développer et sur lequel il souhaite apporter des précisions.
La conséquente livraison de l’édition 2005 est intégralement consacrée à l’examen des « instruments de la mise en oeuvre du droit de la concurrence », un domaine qui a connu nombre de bouleversements récents, notamment par l’introduction de procédures originales.
Cette étude thématique est intéressante à plusieurs titres. Elle synthétise l’approche du Conseil de ses instruments d’action, et l’utilisation qu’elle entend en faire. A ce titre, cette étude est un outil pédagogique important pour les entreprises et leurs conseils et, s’il est permis, à certains égards, de ne pas partager ce qui ne reste qu’une position du Conseil de la concurrence, cette étude a le mérite de l’exposer amplement et d’offrir ainsi aux entreprises une certaine prévisibilité de l’action du Conseil de la concurrence.
Cette étude thématique expose également des éléments de procédure informelle, que l’on ne retrouve ni dans la loi ni dans le décret, telle que l’association du collège des membres du Conseil de la concurrence à la négociation des engagements susceptibles d’être adoptés par les entreprises, ou les modes de mise en relation des entreprises souhaitant bénéficier du programme de clémence du Rapporteur ou de la DGCCRF, y compris au moyen d’une procédure orale (comme il sera développé ci-après).
Enfin, cette étude permet également, via l’exposé de certains fondements théoriques – essentiellement économiques – de la politique d’action du Conseil de la concurrence, de l’appréhender dans toute sa cohérence.
Le Conseil de la concurrence consacre chaqueannée une étude thématique à un sujet spécifique qu’il entend développer et surlequel il souhaite apporter des précisions. La conséquente livraison de l’édition 2005 est intégralement consacrée à l’examen des« instruments de la mise en oeuvre du droit de laconcurrence », un domaine qui a connu nombrede bouleversements récents, notamment parl’introduction de procédures originales.
Cette étude thématique est intéressante àplusieurs titres. Elle synthétise l’approche du Conseil de ses instruments d’action, et l’utilisationqu’elle entend en faire. A ce titre, cetteétude est un outil pédagogique important pour les entreprises et leurs conseils et, s’il estpermis, à certains égards, de ne pas partagerce qui ne reste qu’une position du Conseil dela concurrence, cette étude a le mérite de l’exposeramplement et d’offrir ainsi aux entreprises une certaine prévisibilité de l’action duConseil de la concurrence.Cette étude thématique expose également deséléments de procédure informelle, que l’on neretrouve ni dans la loi ni dans le décret, telle que l’association du collège des membres duConseil de la concurrence à la négociationdes engagements susceptibles d’être adoptéspar les entreprises, ou les modes de mise enrelation des entreprises souhaitant bénéficier du programme de clémence du Rapporteurou de la DGCCRF, y compris au moyen d’uneprocédure orale (comme il sera développéci-après). Enfin, cette étude permet également, vial’exposé de certains fondements théoriques– essentiellement économiques – de la politiqued’action du Conseil de la concurrence, del’appréhender dans toute sa cohérence.
L’établissement des sanctions pécuniaires :
Outre les éléments connus de détermination du montant des sanctions pécuniaires sur lesquels il n’est pas déterminant de revenir, telles que la durée et la gravité des pratiques, ou le dommage causé à l’économie, le Conseil développe des éléments moins connus de détermination du montant de la sanction, que ce soit dans son aspect dissuasif ou dans sa dimension punitive.
Le Conseil de la concurrence cite en propos introductifs une intervention de Monsieur Guy Canivet, alors Premier Président de la Cour d’appel de Paris, reprenant la distinction bien connue des juristes entre le caractère rétributif de la peine et l’exemplarité de la peine, avant d’évoquer divers travaux économiques
qui font le pendant à cette distinction, en ce qu’ils examinent les conditions auxquelles les sanctions doivent répondre afin de satisfaire « cette double finalité, dissuasive et punitive ».
Le Conseil de la concurrence note que « le niveau de la sanction optimale dépend […] du type de dommage que l’on cherche à éviter » ainsi que « de la probabilité de détection des pratiques par les autorités de concurrence » ce qui pourrait surprendre, à tout le moins, pour le deuxième de ces critères : fait-on ainsi, en droit pénal, varier les peines en fonction de la probabilité pour les délinquants et criminels de se faire prendre ?
A cet égard, le Conseil de la concurrence conclut en considérant que « le niveau de sanction optimal pour dissuader les entreprises d’adopter des comportements préjudiciables au bien-être des consommateurs est un multiple du bénéfice tiré de la pratique (ou surprofit) ».
Il évoque à ce titre le projet de lignes directrices de la Commission Européenne dans lequel celle-ci envisage d’augmenter la sanction jusqu’au niveau du surprofit lorsque celui-ci est quantifiable. A cet égard, il semble assez évident, tant au vu de l’analyse proposée par le Conseil, que de la mention même de ces lignes directrices, que le Conseil de la concurrence appelle de ses voeux une modification du niveau de sanction en ce sens, sauf à ce qu’il souhaite simplement provoquer un débat à ce titre.
Le Conseil fait également référence aux travaux de plusieurs économistes, Garry Becker (et ses successeurs) ainsi que Wouter P.J. Wils, qui établissent une corrélation entre le montant optimal de la sanction et la probabilité de détection des pratiques :
« Schématiquement, si une entreprise retire un bénéfice de 100 € de la pratique anticoncurrentielle et si la probabilité de se faire prendre est de 10 %, alors la sanction dissuasive s’élève à 100 x 10 % = 1.000 € ».
Ainsi « schématiquement » exposée, cette corrélation a de quoi surprendre, tout comme la possibilité même de calculer avec précision une quelconque « probabilité de se faire prendre » avec une précision suffisante. Nul doute qu’un exposé complet de la démonstration serait, en revanche, convaincant.
L’important est surtout de retenir que les premiers économistes cités préconisent une sanction pécuniaire très élevée avec une faible surveillance et donc une faible probabilité de détection.
Cette approche est critiquée par un autre économiste que suit le Conseil, qui semble préférer à des sanctions très élevées mais prononcées rarement, des sanctions plus faibles mais plus fréquentes.
Le Conseil note par ailleurs que les sanctions ne doivent pas mettre en danger ni fragiliser les entreprises et que, par conséquent, le niveau de sanction optimal doit dépendre de la capacité contributive des entreprises, ce qui a d’ailleurs le bon goût de s’accorder avec le principe constitutionnel de personnalité des peines.
Enfin, ceux qui croiraient que la multiplication des communiqués de presse et autres annonces de sanctions dans les quotidiens correspondent à une simple volonté de mise en avant du Conseil de la concurrence, constateront donc, au regard des développements précédents, qu’elle relève davantage d’une politique raisonnée, visant à accroître « encore leur exemplarité et leur visibilité pour les entreprises et [à assurer] la mise à jour régulière de leurs anticipations sur le niveau des sanctions encourues » (page 106 du rapport).
Les injonctions :
On mentionnera brièvement un élément qui souligne à nouveau l’originalité du droit de la concurrence, en ce que sa finalité est avant tout de préserver la concurrence, de la rétablir, et non de sanctionner ou de protéger des entreprises spécifiques.
C’est ainsi que le Conseil de la concurrence souligne la préférence qu’il porte à la procédure d’engagement – dans laquelle c’est l’entreprise, auteur d’une pratique anticoncurrentielle, qui propose les engagements susceptibles de mettre fin aux préoccupations de concurrence – au système des injonctions.
Le Conseil relève ainsi qu’il n’est pas de son rôle « de se substituer au chef d’entreprise et de choisir entre plusieurs solutions qui, si elles se révèlent toutes adaptées pour résoudre le problème de concurrence, peuvent ne pas être équivalentes du point de vue des intérêts de l’entreprise. »
De prime abord, cette prise en compte des intérêts d’une entreprise qui s’est rendue coupable de pratiques anticoncurrentielles aurait de quoi surprendre, sauf à se référer, comme précisé ci dessus, à l’objectif final du droit de la concurrence qui est bel et bien de préserver la concurrence en elle-même.
La procédure de non contestation de griefs :
Cette procédure concerne les entreprises qui, après s’être vues délivrer une notification de griefs, n’entendent – donc – pas les contester.
L’étude thématique du Conseil de la concurrence décrit amplement cette procédure, au travers de son déclenchement et de ses effets, et l’on renverra directement à ces lignes (pages 135 et suivantes du rapport du Conseil de la concurrence) pour son exposé.
En revanche, on relèvera deux éléments qui semblent dénoter une relative contradiction du Conseil de la concurrence, à tout le moins, dans son étude thématique.
En effet, à la page 136, le Conseil de la concurrence observe justement que « cette procédure de non contestation des griefs qui est appelée improprement procédure de « transaction », car elle ne met pas fin aux poursuites et l’accord entre le Rapporteur Général et la partie en cause, matérialisée par un procès-verbal, ne lie pas le Conseil qui décide en dernier ressort, même s’il tend le plus souvent à suivre la proposition du Rapporteur Général », pour noter en conclusion (page 177) :
« Le fait que les commentateurs répugnent depuis sa création à la désigner clairement par le terme de « transaction », alors même qu’elle en possède beaucoup des attributs, montre qu’une clarification est nécessaire. »
La clarification, visiblement appelée de ses voeux par le Conseil de la concurrence, apparaît donc d’autant plus nécessaire qu’il semble partager lui même la répugnance des commentateurs à qualifier cette procédure de
« transaction ».
Moins anecdotiquement, on relèvera l’ambiguïté entretenue par l’étude thématique sur la nature profonde de la non contestation de griefs.
En effet, comme son nom l’indique, il ne s’agit pas dans cette procédure de reconnaître la réalité des griefs qui sont faits aux entreprises, et encore moins d’avouer une quelconque pratique. Ceci est parfaitement conforme à la doctrine du Conseil de la concurrence qui l’a d’ores et déjà affirmé à plusieurs reprises dans ses précédents rapports et qui, en page 138, écrit que la « non contestation des griefs, faisant partie intégrante de la procédure, n’est ni un aveu, ni une reconnaissance de culpabilité. Elle ne pourra pas être utilisée, au cours de la procédure du Conseil, contre les entreprises ou organismes non parties à la transaction ».
Pourtant au sein de certaines décisions récentes, le procès-verbal de non contestation de griefs de l’une des parties est utilisé à plusieurs reprises à l’encontre des autres parties.
En outre, à la page précédente (page 137) un paragraphe laisse planer une certaine ambiguïté sur la conception qu’il convient d’avoir de la procédure de non contestation des griefs, lorsque le Conseil écrit :
« Ces éléments démontrent la nécessité d’articuler cette procédure de non contestation avec la clémence. En effet, si en échange de leurs aveux, les entreprises étaient assurées d’une réduction automatique de leurs sanctions, le risque serait grand dès lors que les griefs notifiés seraient peu contestables compte tenu des preuves recueillies, que toutes les entreprises optent pour cette solution […] »
La formulation de cette phrase, comme la nature de certaines décisions récentes, interpellent quelque peu sur la perception réelle de la nature de cette procédure par le Conseil de la concurrence…
La procédure de clémence :
Cette procédure a été introduite en 2001 en droit français. En substance, les dispositions qui en découlent prévoient la possibilité pour l’entreprise qui dénoncerait une entente à laquelle elle était partie, de bénéficier d’une réduction de sanctions.
Le Conseil de la concurrence dans cette partie de son étude thématique donne à nouveau des éléments extrêmement importants sur le programme de clémence, en détaillant des questions de procédure, notamment informelles, qui sont d’une grande utilité pour les entreprises.
On signalera à cet égard, d’une part, les facteurs de réussite d’un tel programme de clémence selon le Conseil de la concurrence, et d’autre part, à titre d’illustration de ses précisions procédurales, les développements
consacrés par le Conseil de la concurrence à l’éventualité d’une procédure orale de clémence, démontrant sa volonté d’adaptation aux contraintes des entreprises.
En ce qui concerne la réussite d’un programme de clémence, le Conseil de la concurrence fait les observations suivantes :
« Celle-ci dépend en grande partie de trois éléments : deux craintes et une certitude. En premier lieu, les entreprises doivent craindre de subir des sanctions importantes si leur comportement est détecté ».
Et à cet égard, le Conseil souligne la cohérence qui découle de l’augmentation du montant des sanctions de ces dernières années.
« En deuxième lieu, les acteurs du marché doivent percevoir un haut risque de détection par les autorités de concurrence […]. En troisième lieu, à côté de ces craintes, les programmes de clémence doivent être les plus transparents et les plus prévisibles possibles. »
Le Conseil de la concurrence détaille l’ensemble des conditions pour obtenir soit une immunité totale de sanctions, soit une immunité partielle. Celles-ci sont relativement nombreuses puisque pour bénéficier d’une
immunité totale de sanction, six conditions doivent être remplies.
Surtout il faut noter que l’entreprise n’a pas de certitude absolue sur l’ampleur de l’immunité susceptible d’être obtenue avant que ne soit rendue la décision du Conseil de la concurrence, puisque certaines conditions ne peuvent être appréciées qu’au stade de la séance du Conseil.
En ce qui concerne la procédure orale, il est intéressant de constater que le Conseil de la concurrence prend en compte l’éventualité que les informations données par l’entreprise souhaitant bénéficier du programme de clémence ne puissent conduire à l’incriminer dans le cadre d’actions en dommages et intérêts, notamment « si la pratique en cause présente des liens avec des territoires tiers, et notamment les Etats-Unis, où existent les procédures de « discovery » ».
Le Conseil de la concurrence, à l’instar de la Commission Européenne, va jusqu’à permettre l’enregistrement d’une déclaration orale sur CD Rom, qui fait ensuite l’objet d’un procès-verbal de transcription, le Conseil de la
concurrence admettant même que le demandeur ne signe aucun document « qu’il s’agisse du procès-verbal constatant la démarche initiale ou des procès-verbaux d’audition et de déclaration rédigés par le Rapporteur ».
Enfin, pour démontrer toute la « bonne volonté » du Conseil, ce dernier prévoit également que l’entreprise ne soit rendue destinataire d’aucun document de la procédure mais que ceux-ci soient conservés au Conseil
de la concurrence afin qu’ils ne puissent, en aucun cas, être retrouvés dans le cadre d’une procédure de « discovery ».
Ainsi perçoit-on bien à la lumière de ce dernier élément tout le pragmatisme du Conseil de la concurrence dans sa volonté de jouer un véritable rôle de régulateur du marché.
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