La rupture d’une relation commerciale peut être déduite de toutes circonstances qui dénotent une volonté de rompre la relation, même de façon implicite (cf. Aix-en-Provence, 8 février 2007, Dynamique Provençale c. Trois Abeilles).
Cette jurisprudence répondrait aux ruptures déguisées sous des modifications de contrat inacceptables : modification tarifaire, de conditions de livraison, de paiement etc.
Elle ne doit toutefois pas être détournée pour se saisir trop opportunément d’un motif de rupture et soit s’exonérer de toute indemnisation, soit en réclamer une audacieusement.
Ceci se trouve illustré dans une décision de la Cour de cassation en date du 6 novembre 2012 (Trans’meubles 83 c Castorama)1 : la société Trans’meubles 83, transporteur, avait adressé à Castorama une proposition de modification de ses prestations et tarifs. La société Castorama a refusé cette modification, et a notifié la rupture du contrat. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé que, la modification étant proposée à effet immédiat, Castorama était en droit de craindre que le service ne soit plus assuré dans des conditions satisfaisantes, et de rompre immédiatement la relation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt en soulignant que la Cour d’appel ne pouvait se fonder « sur une simple proposition de modification des conditions contractuelles sans constater qu’elle n’était pas négociable« . Il y a des limites à la prise d’acte d’une rupture. Peut-être apparaissait-il également peu probable que le transporteur ait des velléités de rupture brutale avec Castorama, ce qui rendait peu crédible le scénario d’une rupture déguisée.
D’une façon différente, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 janvier 2013 (Paris, 17 janvier 2013, France Télécom c. DA France, n°11/05373) témoigne d’une stratégie audacieuse mais dramatique.
Cette affaire mettait aux prises France Télécom et une société chargée de longue date – 24 ans selon les organisateurs, 10 ans selon l’auteur de la rupture – du nettoyage et de la maintenance des cabines téléphoniques. Le marché n’est pas porteur et les relations déclinent inexorablement.
France Télécom envoie alors un projet d’avenant à la convention existante, pour une durée de 24 mois, étant indiqué que cet avenant « constitue un préavis de résiliation d’une durée suffisante et est par lui-même libératoire de toute indemnité« . Le prestataire, DA France, a immédiatement refusé de signer l’avenant et reproché à France Télécom une rupture des relations commerciales.
La Cour relève que DA France n’a même pas tenté de négocier l’avenant proposé, que celui-ci était indiqué comme un projet :
« Il résulte en réalité des termes de la lettre de son conseil que la société DA France s’opposait à la fin même des relations avec la société France Télécom, avec un préavis de deux ans, qu’elle considérait comme cause de sa propre disparition sans nullement envisager la possibilité de proposer ses services à d’autres entreprises qui auraient pu en être satisfaites ou même de se reconvertir »
Ainsi, alors même que c’est la société DA France (ou plutôt son liquidateur) qui a assigné France Télécom, c’est elle qui est retenue comme étant l’auteur de la rupture : elle s’est ainsi privée à la fois d’un préavis et, à défaut, d’une indemnité, par une stratégie trop hardie.
L’une et l’autre de ces décisions soulignent d’une certaine manière que l’exigence de bonne foi s’étend depuis pourparlers jusqu’à la rupture d’une relation, en passant évidemment par l’exécution des obligations, seule visée par le Code.
- commentée par le Pr Nicolas Mathey, Rupture partielle de relations commerciales et modification du contrat, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 1, 3 Janvier 2013, 1004 [↩]
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