La multiplication des affaires relatives à des interventions en urgence de serruriers, vitriers, plombiers mérite bien que l’on s’y attarde, par exception à nos centres d’intérêt habituels.
De nouveau, des proches ont été victimes des pratiques de ces artisans malhonnêtes, qui ciblent toujours des personnes en situation de plus ou moins grande faiblesse – personne sortant de l’hôpital, jeune femme célibataire, personne âgée. En outre, les personnes concernées sont toujours dans une situation de tension particulière puisque, par définition, elles ont fait appel à un service d’urgence, et que les ouvriers qui interviennent peuvent jouer d’une forme d’intimidation physique implicite.
Face à de telles pratiques, le droit de la consommation ne laisse pas le particulier sans défense. Mais les solutions juridiques risquent fort de n’intervenir que lorsque l’artisan malhonnête a d’ores et déjà perçu des sommes.
Aussi, avant d’aborder ces questions juridiques, gardez surtout ce réflexe à l’esprit :
N’appelez pas un numéro au hasard des pages jaunes ni un « numéro utile ».
Appelez votre assurance.
Votre assurance devrait en effet être en mesure de vous fournir les coordonnées d’un prestataire fiable.
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S’il est trop tard, c’est qu’il est temps d’invoquer le droit.
Le scénario est généralement le suivant : l’artisan en question intervient sur une réparation d’urgence (vitre brisée, clés perdues, clés brisées) et profite de celle-ci pour proposer voire effectuer, à un tarif exorbitant, le remplacement de l’huisserie, de la serrure etc.
Ce faisant, il commet deux, voire trois, délits :
- démarchage à domicile sans respecter les formalités requises (mentions du contrat et délai de rétractation),
- perception d’un paiement,
- abus de faiblesse.
En effet, si l’intervention urgente ne constitue pas en elle-même un démarchage à domicile, en revanche, la simple proposition d’une intervention supplémentaire en est une. Ainsi, la Cour de cassation a considéré que « le fait, pour [un serrurier], d’avoir été appelé au domicile [d’une personne]… en vue d’une réparation n’ôtait pas le caractère d’un démarchage à sa proposition de vente d’une nouvelle serrure » (Cass. Civ 1ère, 3 mars 1993; Paris, 11 mars 2002).
Conformément à l’article L.121-21 alinéa 1 du Code de la consommation,
Est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d’une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l’achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d’achat de biens ou la fourniture de services.
Le contenu du contrat concernant la prestation est réglementé. L’article L.121-23 du Code de la consommation prévoit notamment que la faculté de renonciation doit figurer au contrat. Certains contrats vont jusqu’à prévoir que le consommateur renonce à cette faculté de renonciation : une telle clause est nulle, comme le précise clairement l’article L.121-25 alinéa 2 du Code de la consommation.
L’article L.121-26 alinéa 1 du Code de la consommation prévoit également qu’aucune prestation ne peut être effectuée avant l’expiration du délai de renonciation, et qu’aucun paiement ne peut intervenir avant la fin de ce même délai :
Avant l’expiration du délai de réflexion prévu à l’article L. 121-25, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit.
L’alinéa 3 prévoit que :
En outre, les engagements ou ordres de paiement ne doivent pas être exécutés avant l’expiration du délai prévu à l’article L. 121-25 et doivent être retournés au consommateur dans les quinze jours qui suivent sa rétractation.
Les tribunaux ont également précisé que le démarcheur ne peut recevoir aucun acompte (cf. par exemple, Cass. crim. 9 mars 2010, Cass. crim. 24 mars 2009, Lyon, 29 novembre 2011, Lyon, 30 janvier 2008…). Il ne peut pas davantage percevoir de chèque, quand bien même il serait encaissé après l’expiration du délai de rétractation, ni autorisation de prélèvement, l’un comme l’autre constituant une « contrepartie« .
Le non-respect des dispositions relatives au démarchage est sanctionné pénalement. L’article L.121-27 du Code de la consommation prévoit que :
Toute infraction aux dispositions des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 sera punie d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros ou de l’une de ces deux peines seulement.
Les personnes physiques déclarées coupables encourent également à titre de peines complémentaires l’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du code pénal, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d’exercice peuvent être prononcées cumulativement.
Le législateur a en outre jugé bon de préciser à l’article L.121-9 du Code de la consommation que l’entreprise est responsable des démarcheurs qui agissent pour son compte et, à l’article L.131-31n que le consommateur peut demander à la juridiction répressive le versement d’une somme égale aux paiements effectués, outre tous dommages-intérêts.
De plus, « lorsque les circonstances montrent que cette personne n’était pas en mesure d’apprécier la portée des engagements qu’elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu’elle a été soumise à une contrainte« , conformément à l’article L.122-9 du Code de la consommation, l’artisan indélicat peut également être reconnu coupable d’un abus de faiblesse, « puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 9 000 euros« .
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En pratique, que faire ?
- Conserver l’ensemble des documents signés;
- Conserver, si possible, les anciennes pièces;
- Prendre des photos de la nouvelle installation et, dans le meilleur des cas, faire réaliser un constat d’huissier;
- Réagir de préférence dans le délai de rétractation;
- Adresser un courrier recommandé pour mettre en demeure l’artisan ou la société de rembourser les sommes versées ou de ne pas encaisser le(s) chèque(s) établi(s);
- Prendre contact avec un avocat et/ou la Direction Départementale de Protection de la Population compétente, dont vous trouverez les coordonnées ici.
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