« Le fait de s’inspirer, voire de copier, un produit concurrent non protégé par des droits de propriété intellectuelle n’est pas, en soi, illicite et ne le devient qu’en cas de recherche d’une confusion sur l’origine des produits. »
Il était peut-être bon de rappeler ce principe, doit prévaloir dans un régime de liberté du commerce et de l’industrie : il est licite de copier le produit d’un concurrent. Il ne suffit donc pas d’alléguer une copie, ou une imitation. C’est ce que rappelle la Cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 18 mai 2021, dans une affaire opposant les sociétés Etam Lingerie et Princesse Tam Tam.
Ainsi cette copie ne doit pas constituer un acte de concurrence déloyale ni des faits de parasitisme, l’un et l’autre supposant réunis les conditions suivantes :
- La reproduction constituera un acte de concurrence déloyale s’il peut être établi un risque de confusion dans l’esprit du public;
- La reproduction constituera un acte de parasitisme s’il peut être établi que l’imitateur a cherché à bénéficier des investissements, du savoir-faire, des efforts de celui dont il imite le produit.
La Cour d’appel de Paris a pu le préciser encore dans un arrêt en date du 2 juillet 2021, dans une affaire opposant la société H&M à des sociétés R Diffusion et R de Vendôme.
Ainsi a-t-elle rappelé que :
« il n’y a pas de faute à la seule fabrication ou commercialisation d’un produit identique à celui d’une société concurrente sauf à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle avec des modèles concurrents mis sur le marché antérieurement, ce qui constituerait une concurrence déloyale (…) Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis : il s’agit d’une faute intentionnelle«
Dans notre affaire de lingerie potentiellement fine, la Cour d’appel de Paris a rejeté les prétentions respectives des deux parties, qui se reprochaient mutuellement la copie de lignes de produits, en constatant que les sociétés ne pouvaient guère se prévaloir de caractères distinctifs pour leurs produits, soit que l’utilisation de motifs de dentelles à fleur soit ordinaire, soit que ce soit la gamme de couleurs (noir, blanc, ivoire, rouge) qui soit commune ou encore la déclinaison en une gamme de push-up, panties etc.
Plus intéressant : pour écarter la concurrence déloyale, outre les éléments précédents, la Cour souligne que le risque de confusion n’est pas rapporté, en l’absence de témoignages de client(e)s qui se seraient mépris(es), que les deux sociétés bénéficient d’une notoriété comparable et qu’elles commercialisent leurs produits dans des boutiques à leurs enseignes. L’existence de réseaux de distribution distincts est donc retenu comme un indice écartant un risque de confusion… comme de parasitisme au demeurant.
En ce qui concerne le parasitisme, les deux sociétés ont fait valoir le montant de leurs investissements en recherche et développement, en publicité etc. La Cour, observant que la société Etam a consacré des investissements conséquents en développement et publicité, outre le fait que les deux sociétés ont une notoriété comparable, écarte le parasitisme.
Dans l’autre affaire, relative à la création de bijoux, la Cour souligne un autre point important en matière de parasitisme : il convient de démontrer la « valeur économique individualisée » du produit dont on allègue ledit parasitisme (incidemment, on relèvera pour enfoncer le clou que la Cour souligne qu’il n’était « pas reproché d’autres actes fautifs que la seule copie quai-servile« , ce qui pourrait spontanément paraître suffisamment répréhensible).
Enfin, dans une troisième affaire (Paris, 30 juin 2021, Cap Marine c. Comptoir de la mer), la même Cour a cette fois retenu l’existence d’un parasitisme. Il s’agissait de deux entreprises de fabrication de vêtements marins. L’une, Comptoir de la mer, avait perdu la distribution des vêtements d’une autre, Cap Marine, et s’est mise à fabriquer des « copies serviles » des vêtements de celle-ci, en les plaçant délibérément dans des stands à son nom et en les vendant sur son site internet, orné du logo de Cap Marine sans pour autant qu’aucun de ses vêtements n’y soit vendu.
La Cour relève que Comptoir de la mer a délibérément choisi de se placer dans le sillage du succès de Cap Marine dont elle connaissait le succès attaché à ses vêtements, sans pouvoir justifier d' »investissements réels et sérieux en relation avec ses produits« .
Photo by Mathilde Langevin on Unsplash
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