Il est une pratique aussi ordinaire que fréquemment débattue devant les tribunaux, pour rapporter la preuve d’un comportement commercial critiqué : celle du « client-mystère » . Une personne se présente, fait l’acquisition d’un produit, rapporte les pièces et, éventuellement, fait quelques déclarations à un huissier qui rapporte les opérations.
La Cour de cassation vient de rappeler, dans deux arrêts en date du 10 novembre 2021 (Union des Opticiens c. IMD Optic et Union des Opticiens c. Nagabo), les limites de l’exercice. En l’espèce, l’Union des Opticiens voulait établir la preuve de pratiques consistant à augmenter le prix des verres et à minorer le prix des montures, afin d’obtenir une meilleure prise en charge par les mutuelles. A cette fin, elles ont demandé à une entreprise spécialisée d’envoyer de faux clients, rémunérés pour cela, munis d’ordonnances fictives, chargés d’acheter des paires de lunettes et de constater les pratiques critiquées.
En l’occurrence, il est relevé, dans une affaire que la cliente mystère devait « prétendre que les lunettes lui plaisant étaient trop chères, qu’elle ne connaissait pas le nom de sa mutuelle, qu’elle reviendrait avec cette information » et, en outre, dans l’autre que « la cliente avait d’emblée appelé l’attention des opticiens sur les montants de prise en charge des verres et montures par leur mutuelle (70 euros pour la monture et 140 euros maximum par verre)« . La Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir considéré que cette mise en scène permettait de douter de la neutralité de leur comportement vis-à-vis du vendeur, et même que les opticiens avaient pu être incités à la fraude par ces clientes.
L’Union des Opticiens faisait pourtant valoir que la pratique était seule en mesure d’établir la preuve de ces falsifications de factures, ce qui paraît en effet probable. Pour autant, dans une autre affaire mettant en jeu ces pratiques par les magasins d’opticien, la Cour d’appel de Versailles a souligné qu’elle « déjà validé la pratique des clients mystère telle qu’opérée en l’espèce, en relevant que le briefing délivré par la société Qualivox avertissait expressément ses salariés de ne pas demander d’arrangement et donc de ne pas provoquer le comportement de l’opticien, la plupart des attestations démontrant que la proposition a été formulée spontanément par ce professionnel« , étant soutenu par ailleurs que les achats pratiqués étaient réels (Versailles 6 mars 2018, confirmée par Cass. com. 27 janvier 2021, n°18-14.774).
Le recours à des clients mystères n’est donc pas une pratique impossible, mais elle doit être soigneusement anticipée et organisée pour ne pas encourir le grief de déloyauté.
Photo by Omid Armin on Unsplash
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