Concurrence déloyale d’un site parasite
13 octobre 2015 par Erwan Le Morhedec
Parasitisme sans frontière et y compris sur Internet. Dans cette affaire, le parasiteur avait d’ailleurs eu l’ingénuité de reconnaître expressément sur le forum de son site s’être très directement inspiré de son concurrent, afin que les nouveaux membres retrouvent facilement leurs marques. Il en a donc copié le plan, la structure, les fonctionnalités, l’agencement des rubriques et le contenu du site.
Comme le juge donc la Cour d’appel de Paris, dans l’arrêt rendu le 7 octobre 2015, il s’agit d’un acte de concurrence déloyale, de la catégorie des actes parasitaires, le parasitisme étant ainsi défini classiquement (et comme le reprend expressément la Cour) :
« le parasitisme consiste pour un agent économique à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de la notoriété acquise ou des investissements consentis ; que le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion. »
En l’occurrence, les éléments de ressemblance et l’intention étant acquis, le parasitisme n’était guère douteux. Lire la suite »
Un employeur peut consulter les SMS d’un salarié en son absence
15 mai 2015 par Erwan Le Morhedec
Un employeur peut consulter les SMS d’un salarié sur son téléphone professionnel. Et ce n’est pas tout. Il peut également consulter :
- ses courriers;
- ses courriels;
- ses messages vocaux ;
- tous ses dossiers;
- tous ses fichiers;
- papiers ou numériques;
- les relevés de facturation téléphoniques;
- … ainsi que l’historique des sites visités.
La solution intéresse évidemment les employés qui ne sont pas certains d’assumer tout ce que leur employeur pourrait trouver et les employeurs qui seraient désireux de découvrir ce que leurs employés ne sont pas certains d’assumer. Au-delà même de cette application directe et du droit social, cela intéresse aussi le droit de la preuve et de la concurrence déloyale.
En l’espèce, la Cour de cassation s’est prononcée dans un cadre un peu particulier par un arrêt du 10 février 2015. Cette affaire concernait un comportement suspect de concurrence déloyale. Lire la suite »
Mentir au Tribunal pour obtenir un huissier, c’est possible.
15 mai 2015 par Erwan Le Morhedec
La Cour d’appel de Paris a rendu, le 7 mai 2015, un arrêt1 concernant les opérations d’huissier sur autorisation judiciaire, dont une considération peut surprendre : le fait que le requérant ait menti dans la présentation des faits est sans importance !
Léger détour procédural pour expliquer le cadre de ces opérations, par lesquelles un huissier peut se présenter au bureau ou au domicile d’une personne sans crier gare, généralement accompagné d’un expert informatique et potentiellement de la police et d’un serrurier, et procèder à des opérations qui peuvent s’étendre sur une journée entière. L’action est prévue par l’article 145 du Code de procédure civile :
S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
- Cour d’appel, Paris, Pôle 1, chambre 2, 7 Mai 2015 – n° 13/23273, Monsieur Hugues MONTEZIN c. Maître Pascal GUIGON ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SA IMPRIMERIE MODERNE DE L’EST, SA IMPRIMERIE MODERNE DE L’EST, SCP LAUREAU-JEANNEROT représentée par Maître Philippe JEANNEROT ès-qualités d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SA IMPRIMERIE MODERNE DE L’EST [↩]
Déséquilibre significatif chez « Les Indés »
12 novembre 2014 par Erwan Le Morhedec
La Cour d’appel de Paris vient de rendre, le 29 octobre 2014, l’un de ses tous premiers arrêts notables en matière de déséquilibre significatif1. Rappelons que cette disposition, encore peu utilisée, autorise une immixtion rare dans le contrat alors que celui-ci est censé, en droit français, être la référence indépassable puisqu’il « tient lieu de loi entre les parties » (article 1134 du Code civil).
Les autres hypothèses d’intervention du juge n’ont généralement cours que dans l’hypothèse d’un déséquilibre de rapport de forces entre les parties.
C’est le cas, par excellence, entre le professionnel et le consommateur. En droit commercial, c’est encore le cas lorsque l’un des partenaires dispose d’une puissance de marché particulière.
Or, les dispositions de l’article L.442-6.I.2° du Code de commerce s’appliquent non pas entre déséquilibre entre les parties, mais de « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (cet arrêt vient toutefois nuancer un peu cette position, comme nous le verrons) Lire la suite »
- Paris, 29 octobre 2014, n°13/11059, Radio Nova, TSF Jazz, SARL Nova Régie c. GIE Les Indépendants, SASU TF1 Publicité [↩]
Nemo auditur… et précarité
7 novembre 2014 par Erwan Le Morhedec
Il est, en matière de rupture des relations commerciales, une exception à la nécessité d’accorder un préavis à son partenaire : la précarité de la relation commerciale. C’est, à vrai dire, une condition d’application du texte applicable en la matière, l’article L.442-6.I.5° du Code de commerce, qui vise l’existence de « relations commerciales établies« . Une relation précaire n’étant pas établie, par définition, cet article n’est pas applicable.
La jurisprudence a connu plusieurs applications, dont un bref pas de deux autour de l’existence de relations commerciales qui seraient précaires par nature. Lire la suite »
Déloyaux liens : au tour des backlinks !
7 novembre 2014 par Erwan Le Morhedec
L’attention des tribunaux en matière de concurrence déloyale s’est longuement portée sur la pratique des liens commerciaux, et en particulier des liens figurant sur les sites de Google. La pratique en cause consiste pour une entreprise à utiliser comme mot-clé la marque d’un concurrent, de sorte que, lorsqu’un internaute entre le nom de ce concurrent dans le moteur de recherche, cela suscite concomitamment l’apparition de la publicité pour l’entreprise en question.
Après quelques hésitations, la jurisprudence s’est fixée, et a considéré qu’il n’y avait pas en la matière de contrefaçon de marque. Plus étonnamment, elle a également jugé qu’il n’y avait pas là de concurrence déloyale, au nom d’une conception de la loyauté que l’on est en droit de trouver particulièrement restrictive.
La Cour d’appel de Paris a rejeté toute concurrence déloyale en estimant qu’il n’existait aucun risque de confusion (Paris, 21 juin 2013, Hifissimo c. Solutions). La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mai 2013, a confirmé cette solution. Lire la suite »
Partenaires particuliers
3 juin 2014 par Erwan Le Morhedec
Lors de l’adoption de la loi du 4 août 2008, une disposition a été adoptée, dont le potentiel juridique – et judiciaire – est considérable. Sa portée est pourtant restreinte dans certaines décisions, d’une manière qui ne convainc pas.
A titre de vulgarisation uniquement, retenons que le déséquilibre significatif est l’équivalent des clauses abusives, entre professionnels.
Plus complètement, cette disposition est la suivante (article L.442-6.I.2° du Code de commerce) :
« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties »
Sa portée est considérable car (i) elle permet au juge de s’immiscer largement dans les rapports contractuels et (ii) elle est susceptible de s’appliquer à toutes les relations commerciales, la commercialité de ces relations étant elle-même interprétée largement. Il n’y a pas, en effet, de raisons de définir différemment le champ d’application de cette disposition de celui dévolu à la responsabilité en matière de rupture brutale de relations commerciales établies, qui figure au même article sous le 5°. Lire la suite »
Une interdiction partielle de la vente en ligne est-elle possible ?
15 mai 2014 par Erwan Le Morhedec
Nous avions, en leur temps, évoqué ici les décisions rendus dans deux affaires emblématiques en matière de distribution sélective et de vente en ligne : les affaires Pierre Fabre et Bang & Olufsen.
Cette dernière affaire a très vraisemblablement connu son épilogue devant la Cour d’appel de Paris, par l’arrêt du 13 mars 2014. Il est probable, en effet, que la société Bang & Olufsen ne se sera pas pourvue en cassation, ayant vu son amende réduite de 900.000€ à 10.000€ pour des faits somme toute assez qualifiés.
C’est d’ailleurs un premier point intéressant de cette décision : la Cour d’appel a tenu compte du contexte d’incertitude juridique dans lequel les pratiques en cause se sont déployées pour considérer que leur gravité était atténuée.
Elle relève en effet qu’elle avait elle-même jugé nécessaire, dans l’affaire Pierre Fabre, de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne d’une question préjudicielle destinée à déterminer si l’interdiction de vente sur Internet constituait ou non une restriction de concurrence caractérisée.
Sur le fond, on se souvient (et, à défaut, on retrouvera) que Bang & Olufsen a tenté de nier l’existence d’une interdiction de vente sur Internet, en affirmant que les documents contractuels n’interdisaient que la vente à distance. Cette défense n’a convaincu ni l’Autorité de la concurrence ni la Cour d’appel, au regard d’éléments factuels précis démontrant l’existence pratique d’une telle interdiction. Lire la suite »
[Concurrence] Ecoutez-les : ils s’entendent !
14 mars 2014 par Erwan Le Morhedec
Du majordome au conseiller politique, l’écoute ou l’enregistrement connaît un regain de popularité sur laquelle il conviendrait de s’interroger, mais en d’autres lieux : ceci dit-il quelque chose de la conception de la loyauté dans notre société ?
Au-delà même de ces enregistrements ou écoutes privées, les écoutes judiciaires sont également sur toutes les lèvres, pour des raisons de politique politicienne mais également pour des raisons de politique au sens noble. Car, à travers les perquisitions menées chez des avocats et les écoutes, « par ricochet » trop appuyé, ce sont les principes de la profession et les droits de la défense qui sont mis en cause.
Qu’il soit permis dès lors de relayer ici l’inquiétude des avocats pénalistes et ce, d’autant plus que, outre la solidarité confraternelle et la préoccupation du simple citoyen, les écoutes téléphoniques concernent également le praticien du droit de la concurrence – et celui-ci entend bien ne pas se trouver sur écoutes « par ricochet » dans l’exercice de sa mission de conseil et de défense de ses clients. Lire la suite »
« La » cigarette électronique, définitivement libre ?
4 mars 2014 par Erwan Le Morhedec
Au mois de décembre dernier, nous laissions entendre que, quel que soit le talent des juristes et du Tribunal de commerce de Toulouse, une vessie (vue ici en coupe sagittale médiane, que cela soit dit pour que nul n’en ignore) restait un instrument d’éclairage inappropriée. Par analogie, il nous semblait qu’un produit ne contenant pas de tabac ne pouvait être qualifié de « produit du tabac ».
Or, ces jours-ci, plusieurs articles ont conduit à penser que le Parlement Européen en aurait décidé autrement, assimilant très directement la cigarette électronique aux produits du tabac. Certains y ont vu un revirement du Parlement européen, et la plupart n’ont pas relevé la distinction qui est faite par le Parlement (cf. ici. ou là) Lire la suite »