Monsieur Laurent G. acheta le 6 juin 2006 un ordinateur Toshiba. Monsieur G. acheta cet ordinateur Toshiba équipé de logiciels préinstallés au prix de 799€ TTC (soit environ 800€ TTC). Monsieur G. acheta cet ordinateur Toshiba au prix d’environ 800€ TTC auprès de la société Darty en cette fin de printemps 2006 et demanda au vendeur de Darty de ne bien vouloir avoir l’obligeance, si cela ne lui en coûtait pas trop, merci, de désinstaller les logiciels Windows XP et Works.
Celui-ci, marri à n’en pas douter de ne pouvoir satisfaire la demande courtoise, quoique relativement originale, de son client, l’informa qu’il ne serait pas en mesure d’y déférer et que tous les modèles d’ordinateurs portables voisins étaient ainsi équipés, aussi funeste cela soit-il. Parvenu à son domicile, Monsieur G. procéda à la mise en service de son ordinateur et refusa d’accepter le contrat de licence Microsoft.
Monsieur G. étant opiniâtre, le litige qui s’en est suivi a connu un nouveau rebondissement (et non une conclusion) dans un arrêt rendu par le Cour de cassation le 22 janvier 2014, soit plus de 7 ans et demi après son achat. Cet arrêt fait lui-même suite à une précédente cassation d’une décision d’un juge de proximité, par un arrêt du 15 novembre 2010.
L’action était fondée sur l’article L.122-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, inchangée à ce jour sur le point qui nous intéresse : la qualité des personnes pouvant s’en prévaloir). Cette disposition prohibait les ventes liées en ces termes :
« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit. »
Mais qui donc est M. Laurent G. ?
M. Laurent G. est membre actif d’une association ayant pour but de lutter contre les ventes liées de logiciels et gérant d’une société dont l’activité est directement liée aux systèmes et produits informatiques, matériel, logiciel et réseau. Enfin, Monsieur G. a procédé de la même manière avec Darty et avec Surcouf.
La notion de consommateur est certes débattue, tout comme le fait qu’un professionnel agissant hors de ses compétences soit ou non un professionnel (pour mémoire, le projet de loi consommation en cours de discussion au parlement prévoit qu’ « est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ») mais, dans le cas présent, il paraissait guère douteux que M. G. soit un professionnel.
Or, il ressort de cette décision de la Cour de cassation que, même professionnel, voire « professionnel de la profession», Monsieur G. pourrait se prévaloir de cette disposition applicable à un consommateur ! Par quel enchantement juridique ?
Pour une fois, une directive européenne vient procurer cette douce satisfaction. La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs prohibe en effet l’omission trompeuse, au titre de ces pratiques. Comme le rappelle la Cour de cassation, son article 7.1 prévoit en effet que:
» l’omission trompeuse est constituée notamment lorsqu’un professionnel omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement »
Au vu de ce qui précède, le juge de proximité a considéré que Monsieur Laurent G. ne pouvait être qualifié, et ce n’était pas lui faire injure, de consommateur moyen.
Or, la Cour de cassation casse au motif que « l’existence d’une omission trompeuse au sens de l’article 7 de la Directive doit être appréciée au regard d’un consommateur moyen, sans avoir égard aux qualités propres du consommateur ayant conclu le contrat litigieux« .
Voilà qui est fait, M. Laurent G. peut se prévaloir de l’article L122-1 du Code de la consommation.
Quelle est la portée exacte de cette décision ? La décision de la Cour de cassation paraît inédite. Et, au-delà du seul cas des ventes liées d’ordinateur, elle affirme qu’un professionnel peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation chaque fois que la pratique concernée peut relever de la directive sur les pratiques commerciales déloyales.
Il restera dans cette affaire au juge de proximité à déterminer si une information substantielle a été omise et si un consommateur moyen, mais informé, aurait pris une décision commerciale différente (ce qui paraît très vraisemblable, au regard de la décision de la Cour de cassation du 6 octobre 2011 et contrairement aux faits ayant donné lieu à un arrêt de la même cour en date du 20 décembre 2012).
Illustration : Businessman Zombie, par TheoGeo
The comments are closed.
Aucun commentaire