La force majeure n’est pas celle que vous croyez.
Tout évènement extérieur, irrésistible et imprévisible ne constitue pas un cas de force majeure légale. Encore faut-il, aux termes du nouvel article 1218 du Code civil, qu’il « rende impossible l’exécution de son obligation par son débiteur« .
Et voilà la source de la désillusion pour ce couple qui avait réservé un séjour pour une cure thermale. Le mari ayant dû être hospitalisé en urgence après la première semaine, le couple avait invoqué la force majeure pour obtenir le remboursement de la période restante, puisqu’il n’avait pu bénéficier de la prestation.
Dans un arrêt du 20 novembre 2020, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel qui leur avait donné raison en relevant que les époux « avaient exécuté leur obligation en s’acquittant du prix du séjour, et qu’ils avaient seulement été empêchés de profiter de la prestation dont ils étaient créanciers ». En l’occurrence, la société n’avait pas été empêchée d’exécuter son obligation (mettre à disposition l’hébergement), ni le couple d’exécuter la sienne en versant la somme convenue.
Il en serait probablement différemment si le cocontractant lui-même était dans l’impossibilité d’exécuter son obligation du fait du cas de force majeure frappant l’autre partie.
Concurrence déloyale d’un vendeur par une place de marché
Une plateforme internet spécialisée dans la vente de vêtements, Yoox.com, permet la mise en relation d’un acheteur avec les sites de vente. Elle est pour sa part rémunérée en fonction des clics des acheteurs vers les sites marchands.
Or, la société Bonpoint a constaté que l’utilisation de sa marque renvoyait à un site sur lesquels ses produits étaient très majoritairement indiqués comme indisponibles, l’internaute étant alors invité à acheter des produits « similaires » sans qu’il soit précisé qu’ils n’étaient pas de marque Bonpoint.
Dans un (autre) arrêt du 20 novembre 2020, la Cour d’appel de Paris a jugé ce comportement déloyal, la plateforme utilisant la notoriété de la marque Bonpoint pour tenter de générer du trafic et ainsi s’assurer une rémunération.
Si la Cour n’a pas jugé indispensable de le faire, elle aurait pu qualifier cette pratique de parasitisme, celui-ci consistant à se placer dans le sillage d’une autre entreprise pour bénéficier de sa renommée et de ses efforts.
Rupture brutale de relations multiples
Deux enseignements dans cet arrêt du 10 février 2021 rendu par la Cour de cassation en matière de rupture brutale de relations commerciales établies.
D’une part, la reprise de l’activité d’une entreprise ne signifie pas nécessairement que la relation commerciale est poursuivie. Encore faut-il en analyser la nature et que la poursuite de la relation ressorte de l’intention des parties. En l’occurrence, une entreprise avait repris les actifs d’une autre, mise en redressement judiciaire. Mais (i) le plan de cession des actifs ne comprenait pas la cession du fonds de commerce, le contrat concerné ne faisait pas partie des actifs repris et (ii) les entreprises ont de surcroît renégocié leurs tarifs.
Ainsi, « même la relation était identique« … il ne s’agissait pas de la même.
D’autre part, lorsque deux parties entretiennent plusieurs relations commerciales (ici, des activités de tournées, affrètements, locations), les tribunaux doivent apprécier la durée du préavis accordé activité par activité et non globalement.
Covid : résistance abusive d’un assureur
L’indemnisation des pertes d’exploitation dues aux fermetures administratives de restaurants liées à la pandémie a donné lieu à des décisions souvent présentées comme contradictoires.
La solution dépend en réalité de la rédaction de chaque contrat d’assurance, autant sur le fond que sur la forme. Ainsi, en particulier, si certains contrats excluent la garantie de l’assureur, encore faut-il que l’exclusion soit claire et lisible, conformément aux dispositions du Code des assurances.
C’est d’ailleurs un enseignement à retenir pour tous types de contrats d’assurance : il ne suffit pas qu’une garantie soit exclue, encore faut-il que les exclusions apparaissent en caractères très apparents dans la police (art. L. 112-4, al. 3) et qu’elles soient formelles et limitées (art. L. 113-1, al. 1).
Par ailleurs, les décisions de référé peuvent également aller de l’octroi d’une provision selon la rédaction des clauses au refus de le faire. Les juridictions saisies en référé refusent en effet parfois d’accorder une provision si la clause n’est pas claire et évidente. En l’espèce, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance de référé rendue le 11 février 2021 par le président du Tribunal judiciaire de Paris (analysée plus longuement par Rodolphe Bigot et Amandine Cayol pour Dalloz actualités), la police d’assurance de la compagnie Groupama prévoyait explicitement la garantie des pertes d’exploitation en cas d’épidémie, ce qui a conduit le président à accorder au demandeur une provision conséquente, et à condamner la compagnie à verser 15.000€ au titre de la résistance abusive.
Photos by Valentin B. Kremer et Jernej Graj on Unsplash
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