L’affaire porte de nouveau sur les avis laissés par des clients (ou supposés tels) sur des fiches Google My Business, et elle vient compléter la jurisprudence tout juste évoquée.
Mon commentaire sur l’ordonnance du président du TGI de Metz en date du 16 juillet 2019 était en effet à peine publié qu’une ordonnance de la présidente du TGI de Paris en date du 11 juillet 2019 était mise en ligne.
Or, elle est notable à deux égards :
(i) elle contredit celle de Paris du 10 avril 2018… rendue par le même magistrat
et
(ii) elle autorise la communication des données d’identification des commentateurs.
- Refus d’une demande de suppression…
C’est en effet la même juge qui considère ici que « la fiche litigieuse n’est pas en elle-même un message de prospection commerciale, que la dentiste n’établit pas en quoi l’existence de cette fiche répondrait à des fins de prospection, notamment commerciales » alors même qu’elle avait estimé, dans son ordonnance d’avril 2018, que « l’existence de cette fiche implique l’envoi par Google de courriels à des fins de prospection commerciale« . Rappelons qu’un traitement de données personnelles réalisé sans le consentement de la personne concernée lorsqu’il a pour fin la prospection est réprimé pénalement, de sorte que la condition d’un trouble manifestement illicite (requise en référé) est remplie.
Une hypothèse d’explication serait que le but immédiate du traitement de données n’est pas la prospection mais l’information, la prospection ne se produisant que dans un second temps. Faut-il penser que Google My Business a pour objectif l’information du public, ou la réalisation de bénéfices ?
Toujours est-il que la présidente considère que ce traitement de données est « nécessaire à l’exercice de la liberté d’expression et d’information », un tel principe venant battre en brèche l’intérêt du professionnel de ne pas être dénigré publiquement sur un moteur de recherches aussi puissant que Google, par des utilisateurs agissant parfois même sous couvert d’anonymat. Un tel intérêt n’est pas un « intérêt légitime » au sens du régime des données personnelles.
- Mais accord à la demande d’identification.
En revanche, la présidente du TGI de Paris a autorisé la communication des données d’identification des commentateurs et réservé un traitement particulier au commentaire suivant :
« inadmissible, c’est une vraie perverse. Elle m’a infantilisé, engueulé puis charcuté, j’ai dû aller aux urgences dentaires ! Mme X. ne devrait pas exercer ! »
En ce qui concerne ce seul commentaire, elle a jugé que le qualificatif de « vraie perverse » caractérisait l’injure et était, de par ce fait, manifestement illicite. Il aurait donc dû faire l’objet d’un retrait rapide de Google, ce qui n’a pas été le cas.
En ce qui concerne la communication des données d’identification, il convient de distinguer les fondements procéduraux du référé pour expliquer un traitement qui peut paraître contradictoire.
Un référé peut en effet notamment être intenté pour qu’il soit mis un terme à un trouble manifestement illicite. En l’occurrence, comme nous l’avons vu, la présidente a estimé que cette condition n’était pas remplie, et ne justifiait pas la suppression des commentaires.
Mais il peut également être engagé, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, pour obtenir des « mesures d’instruction in futurum », c’est-à-dire des mesures d’instruction en vue d’un procès au fond. Dans ce cadre, le critère n’est pas le trouble manifestement illicite mais le motif légitime, celui-ci étant caractérisé ici par la volonté d’engager des procédures pour voir indemnisé le préjudice causé par les commentaires qu’elle juge « insultants et dénigrants« .
A ce titre, la présidente du TGI de Paris a ordonné à Google de communiquer toutes les données d’identification des commentateurs.
Voilà qui pourrait au moins limiter les risques d’avis excessifs déposés sous le couvert de l’anonymat, comme celui de faux avis, déposés par des concurrents.
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