La rupture de relations commerciales sans un préavis suffisant emporte un droit à indemnisation… si les relations sont établies. La notion d’établissement a longtemps été d’un apport assez théorique, jusqu’à ce que les illustrations d’un défaut de caractère établi s’additionnent. De façon quelque peu cousine, la question se pose aussi de la continuité de la relation. Depuis quand peut-elle être considérée comme établie ? A quand remonte-t-elle ?
Les deux arrêts suivants apportent des éclairages utiles.
Dans un arrêt en date du 21 juin 2017, la Cour de cassation a donné une pleine application aux dispositions contractuelles d’un contrat de franchise prévoyant une période d’essai (ou probatoire). En l’occurrence, les parties avaient conclu un contrat d’une durée de cinq ans. Ce contrat prévoyait aussi une période probatoire d’une durée de deux années, durant laquelle chacune des deux parties pouvait mettre un terme à cette collaboration avec un préavis de trois mois, sans avoir à en justifier et sans indemnité d’aucune sorte.
La rupture est intervenue dix mois après la conclusion du contrat. La Cour de cassation a refusé de considérer qu’une telle rupture était abusive. La solution peut paraître sévère, dans la mesure où dans le cadre d’une franchise les investissements principaux sont réalisés en début de relation, quelle que soit sa durée ultérieure. Mais la Cour a considéré que le franchisé s’était engagé en connaissance de cause du caractère précaire de la relation. Il ne pouvait dès lors solliciter l’indemnisation des investissements consentis.
La décision est rendue sur le fondement de la rupture abusive et non de la rupture brutale (rappelons que dans le premier cas, la motivation et les circonstances de fond de la rupture sont pris en compte, quand la brutalité ne s’attache qu’à l’existence ou non d’un préavis et ignore la question de la motivation). La brièveté de la relation explique probablement que l’affaire n’ait pas été envisagée sous l’angle de la rupture brutale. Il serait toutefois intéressant de savoir quelle portée la Cour aurait reconnue à cette période probatoire : suffit-elle à imprimer une précarité à la relation, excluant par là même qu’elle puisse avoir un caractère établi ?
Par un arrêt du 6 juillet 2017, la Cour d’appel de Paris a pour sa part adopté une solution assez classique qui vient rappeler que « la relation commerciale […] s’entend au sens économique et non juridique ». Par conséquent, pour les besoins de l’article L.442-6.I.5° du Code de commerce, les modalités juridiques d’une relation sont largement indifférentes, pour autant que la relation continue d’engager les mêmes personnes. En l’espèce, les partenaires commerciaux avaient d’abord été liés par une relation double : d’agent commercial et de simple fournisseur, selon l’activité concernée. La relation a été ultérieurement unifiée en une unique relation de distribution. Cela reste la même relation commerciale, quand bien même au sens juridique ce sont deux types de relation qui se sont succédées. La solution avait trouvé une illustration plus frappante encore dans un arrêt que nous avions commenté, qui avait abouti à l’indemnisation d’un dirigeant-clé, passé à travers diverses structures.
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