Selon la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales,
« La clause imposant aux pharmaciens de maintenir un certain volume de commandes durant la durée du préavis exécuté en cas de rupture des relations commerciales et prévoyant une clause pénale en cas de non-respect de cette obligation n’apparaît pas déséquilibrée au sens de l’article L442-6-I, 2° du code de commerce, dès lors que la pénalité semble conforme aux bonnes pratiques. »
Cet avis, en date du 15 décembre 2015, qui emprunte quelque peu à la forme du truisme, est notamment intéressant en ce qu’il rappelle l’incitation de la CEPC à introduire des délais de préavis dans les contrats, mais il suscite quelques observations.
1. L’opportunité même d’insérer une clause de préavis dans un contrat est discutable. La sécurité juridique offerte est en effet très relative, si ce n’est inexistante. La CEPC le rappelle elle-même : le juge n’est pas tenu par la volonté des parties, et écarte souvent ces dispositions des contrats.
En outre, comme la CEPC le rappelle également, « les magistrats ont recours de plus en plus souvent à d’autres éléments pour apprécier in fine le caractère suffisant ou non du préavis (domaine professionnel, importance financière de la relation commerciale, existence ou non d’un accord d’exclusivité,…)« . De fait, le préavis prévu au contrat in abstracto ne peut tenir compte de données opérationnelles très concrètes et variant selon les partenaires économiques. Dès lors, il est à craindre que le fait de fixer une durée de préavis dans le contrat ne soit générateur de risque en offrant une fausse sécurité : l’opérationnel qui procédera à la rupture de la relation peut légitimement, mais faussement, penser être « à l’abri » en respectant scrupuleusement la durée indiquée au contrat.
Enfin, l’intérêt est faible pour les parties : pour l’auteur de la rupture, le contrat ne peut prévoir qu’une durée de préavis minimum, quant à la partie qui subit la rupture, elle risque de se voir opposer par un tribunal le fait qu’elle aurait elle-même accepté une durée de préavis qu’elle contesterait finalement devant lui.
2. La CEPC ne semble guère prendre en compte ici la différence de rapport de force. Au demeurant, la CEPC indique que « pour avoir une vision satisfaisante du cas d’espèce, il conviendrait de savoir combien il existe de grossistes répartiteurs« . Ce nombre est pourtant connu, et il est étonnant qu’elle n’ait pas eu le réflexe de se reporter aux travaux de l’Autorité de la concurrence qui, dans un avis récent, analysait le secteur et soulignait ainsi qu’en 2011, « six grands acteurs historiques représentaient ensemble environ 97,5% des parts de marché.
Or, comme elle le rappelle elle-même, « concernant le préavis, l’objectif est essentiellement de permettre au partenaire économique éconduit de disposer du temps nécessaire pour anticiper la fin de la relation et organiser sa reconversion (en réorientant ses activités, par exemple)« . La puissance économique de la partie subissant la rupture peut difficilement être ignorée : l’avis ne mentionne pas, comme c’est toujours le cas, le nom des parties mais si le grossiste-répartiteur concerné est OCP, le fait qu’il détienne près de 34% des parts de marché n’est pas anodin1. Dans l’hypothèse où le grossiste-répartiteur concerné serait OCP, et même si les relations commerciales entre une pharmacie d’officine et lui atteindraient plus d’un an d’ancienneté, imagine-t-on qu’OCP ait un quelconque besoin de se reconvertir en cas de rupture, et de disposer de trois mois à cette fin ? Les durées de préavis prévues dans la clause soumise à la CEPC ne sont toutefois pas excessives.
3. La CEPC ne réagit pas au fait que la clause ne vise que l’une des deux parties. Si l’on suppose que la CEPC reprend dans son avis l’intégralité de la clause de résiliation, il faut alors relever qu’elle ne prévoit le respect d’un préavis que par le client. Avec une forme d’ironie contractuelle, les CGV concernées mentionnent que ce préavis imposé au seul client est prévu « afin de préserver l’équilibre des relations commerciales établies en vertu des présentes« . Dans la mesure où il s’agissait de déterminer si cette clause générait un déséquilibre significatif, le fait qu’elle ne soit imposée qu’au client, et que le grossiste-répartiteur ne prenne aucun engagement de respecter un préavis minimum aurait mérité d’être analysé.
4. Plus anecdotiquement, la formulation de l’avis est elle-même quelque peu surprenante. La CEPC évoque en effet « la clause imposant aux pharmaciens de maintenir un certain volume de commandes durant la durée du préavis« . Or, par définition, on ne peut concevoir de préavis que si le volume d’activité reste inchangé. La fonction d’un préavis est bien de prévenir d’une rupture à venir. Si le volume d’activité n’est pas maintenu, alors la rupture est consommée. Il conviendrait de savoir d’ailleurs si cette formulation ne fait que relever du truisme, ou si elle ne cache pas d’autres effets concrets propres au secteur : les pharmacies peuvent-elles passer instantanément d’un grossiste-répartiteur à un autre, ou existe-t-il des contraintes pratiques (de stock, d’informatique etc.) qui les en empêchent ? Dans ce cas, il serait plus compréhensible que les pharmacies souhaitent pouvoir se désengager progressivement afin d’assurer une transition.
- et l’on peut présumer que l’organisation professionnelle se serait peu émue d’une telle disposition si elle concernait les contrats du CERP Bretagne Nord qui n’occupe que 3% de parts de marché [↩]
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