Parasitisme sans frontière et y compris sur Internet. Dans cette affaire, le parasiteur avait d’ailleurs eu l’ingénuité de reconnaître expressément sur le forum de son site s’être très directement inspiré de son concurrent, afin que les nouveaux membres retrouvent facilement leurs marques. Il en a donc copié le plan, la structure, les fonctionnalités, l’agencement des rubriques et le contenu du site.
Comme le juge donc la Cour d’appel de Paris, dans l’arrêt rendu le 7 octobre 2015, il s’agit d’un acte de concurrence déloyale, de la catégorie des actes parasitaires, le parasitisme étant ainsi défini classiquement (et comme le reprend expressément la Cour) :
« le parasitisme consiste pour un agent économique à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de la notoriété acquise ou des investissements consentis ; que le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion. »
En l’occurrence, les éléments de ressemblance et l’intention étant acquis, le parasitisme n’était guère douteux.
Un autre aspect utile de cet arrêt réside dans les moyens de preuve de ce parasitisme internet, preuve qui est trop souvent négligée par les victimes. En l’occurrence, la force probante et la licéité des preuves étaient fortement contestées – ce qui est au demeurant souvent l’indice d’une position faible sur le fond – et la Cour alterne souplesse et sévérité dans son appréciation.
Sévérité tout d’abord, lorsqu’elle écarte un constat d’huissier des débats en considérant que le fait que l’huissier se soit inscrit sur le site sous un pseudonyme ne satisfait pas aux exigences de loyauté. Compte tenu de l’automatisation des procédures d’inscription et de l’absence de contrôle humain, c’est une considération qui peut être soit formelle soit fortement contre-productive. La Cour précise ainsi que :
« même si le site D. est un site public, l’huissier de justice doit utiliser sa propre identité et mentionner sa qualité pour se connecter et naviguer sur ce site ».
Qu’adviendra-t-il si des sites mettent en place des filtres à l’inscription, pour exclure les huissiers ? On peut certes en passer par une autorisation judiciaire, ce qui paraît un peu disproportionné, ou peut-être imaginera-t-on faire constater par huissier la procédure d’inscription d’un tiers non huissier ?
Souplesse ensuite, lorsqu’elle accepte de simples copies d’écran, en relevant toutefois que dans chaque cas, elles sont à la fois nettes et datées (notamment par la présence d’un calendrier). Cette souplesse s’explique par le caractère commercial de l’affaire. Or, en matière commercial, la preuve est libre.
Dernière observation : le préjudice. Comme trop souvent dans les procédures, le préjudice n’est pas assez détaillé. Pour autant, la concurrence déloyale présente une spécificité ici reprise par la Cour d’appel, qui souligne que par définition » les faits de concurrence déloyale générateurs d’un trouble commercial impliquent l’existence d’un préjudice », et octroie ainsi 8.000€ de dommages-intérêts.
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