Une interdiction partielle de la vente en ligne est-elle possible ?

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bangNous avions, en leur temps, évoqué ici les décisions rendus dans deux affaires emblématiques en matière de distribution sélective et de vente en ligne : les affaires Pierre Fabre et Bang & Olufsen.

Cette dernière affaire a très vraisemblablement connu son épilogue devant la Cour d’appel de Paris, par l’arrêt du 13 mars 2014. Il est probable, en effet, que la société Bang & Olufsen ne se sera pas pourvue en cassation, ayant vu son amende réduite de 900.000€ à 10.000€ pour des faits somme toute assez qualifiés.

C’est d’ailleurs un premier point intéressant de cette décision : la Cour d’appel a tenu compte du contexte d’incertitude juridique dans lequel les pratiques en cause se sont déployées pour considérer que leur gravité était atténuée.

Elle relève en effet qu’elle avait elle-même jugé nécessaire, dans l’affaire Pierre Fabre, de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne d’une question préjudicielle destinée à déterminer si l’interdiction de vente sur Internet constituait ou non une restriction de concurrence caractérisée.

Sur le fond, on se souvient (et, à défaut, on retrouvera) que Bang & Olufsen a tenté de nier l’existence d’une interdiction de vente sur Internet, en affirmant que les documents contractuels n’interdisaient que la vente à distance. Cette défense n’a convaincu ni l’Autorité de la concurrence ni la Cour d’appel, au regard d’éléments factuels précis démontrant l’existence pratique d’une telle interdiction.

De façon plus substantielle, la Cour d’appel semble ouvrir une piste pour l’exemption de telles interdictions en considérant que Bang & Olufsen :

« ne démontre pas en quoi certaines alternatives envisageables, moins restrictives que l’interdiction totale et absolue de vente sur internet, entraîneraient le risque de parasitisme allégué; qu’en l’espèce, certains produits moins élaborés et moins chers de la gamme Bang & Olufsen tels que les écouteurs, les casques audio et les accessoires peuvent particulièrement se prêter à la vente sur internet en ce que, à la différence de produits complexes de la gamme, d’une part, ils ne nécessitent pas dans tous les cas de démonstration en magasin, réduisant ainsi le risque de parasitisme allégué et, d’autre part ils n’engendrent pas de coûts de stockage ou de distribution importants, diminuant l’investissement à réaliser par les distributeurs pour la création d’un site internet;

que c’est donc à juste titre que l’Autorité a décidé qu’en interdisant de manière totale et absolue à ses distributeurs agréés de vendre par Internet, la société Bang & Olufsen France impose des restrictions qui ne sont pas indispensables pour le maintien d’un réseau de distribution efficient. »

Il était déjà acquis que certaines restrictions à la vente pouvaient être admises. Ainsi de la nécessité de disposer d’un point de vente physique ou encore de la nécessité de disposer d’un conseiller joignable téléphoniquement. De la sorte, un fabricant pouvait échapper au reproche d’interdiction totale et absolue de la vente sur Internet.

Il s’agissait toutefois d’agir sur les modalités de vente.

Or, l’arrêt de la cour d’appel de Paris porte non sur les modalités mais sur les produits vendus eux-mêmes, et semble laisser entendre qu’une interdiction de vendre sur Internet certains types de produits pourrait se concevoir.

Il est vrai que la CJUE avait déjà reconnu qu’une interdiction de vente sur Internet pouvait trouver des justifications objectives :

« La jurisprudence de la Cour a, toutefois, reconnu qu’il existe des exigences légitimes, telles que le maintien du commerce spécialisé capable de fournir des prestations spécifiques pour des produits de haute qualité et technicité, qui justifient une réduction de la concurrence par les prix au bénéfice d’une concurrence portant sur d’autres éléments que les prix. » (CJUE, Pierre Fabre, 23 octobre 2011, pt 40)

Pour des raisons qui ne nous sont pas connues, Bang & Olufsen n’avait visiblement pas souhaité orienter sa défense sur l’existence de telles justifications objectives.

Pourtant, les attendus précités permettent de penser qu’une restriction limitée à certains produits haut de gamme aurait pu être acceptée.

Bien évidemment, il ne faut jamais tirer de conclusions définitives sur la base d’une interprétation a contrario d’une décision de justice. Il reste toutefois possible de comprendre, à la lecture de la décision, que la Cour reproche à Bang & Olufsen d’avoir interdit la vente en ligne sans aucune considération des produits concernés, depuis ceux qui nécessitent le moins de conseil personnalisé jusqu’aux produits les plus techniques, qui nécessitent démonstration et conseil.

Autre possibilité, moins probable mais qui ne peut être exclue : que la Cour ait voulu pointé ainsi un caractère artificiel de l’argumentation de Bang & Olufsen sur la technicité des produits et la nécessité d’une démonstration, sans que cela ne signifie pour autant qu’elle aurait accepté une interdiction partielle.

Seule une décision portant expressément sur une interdiction de vente en ligne d’une partie seulement des produits d’un fabricant pourra confirmer la bonne interprétation de cet arrêt.

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